L’enjeu : comprendre la richesse biologique de Lengguru
Les karsts d’Asie du sud-est sont considérés comme « des îles dans les îles », car ils abritent une part souvent importante de la biodiversité régionale. Ces hauts niveaux de diversité et d’endémisme qui caractérisent les systèmes karstiques s’expliquent par une extraordinaire palette d’écosystèmes, des terrains très fragmentés, des conditions climatiques locales contrastées, différents degrés d’isolement et une histoire géologique souvent ancienne et remontant à plusieurs millions d’années. Les karsts couvrent près de 10 % de la surface immergée du sud-est asiatique et ce sont pourtant les milieux les moins étudiés. Ils ne représentaient qu’1 % des publications scientifiques consacrées aux études des écosystèmes terrestres et aquatiques entre 1985 et 2004.
Il n’existe aucune donnée zoologique ou botanique disponible du sein de Lengguru, une région pourtant grande comme la Sardaigne. Seules quelques régions périphériques furent visitées, notamment par l’ichtyologiste Australien G. Allen, qui fut le premier à décrire quelques espèces de poissons.
L’histoire géologique du massif de Lengguru, aujourd’hui bien connue, constitue une importante base dans la compréhension des processus de diversification biologiques qui sont à l’origine de la faune et de la flore de Lengguru.
Objectif : retracer la généalogie des espèces de Lengguru
Le programme Lengguru s’attache à étudier les processus et les interactions entre géodynamique – biodiversité – sociétés humaines au sein des systèmes karstiques de Papouasie occidentale.
La méthodologie générale s’appuie sur des missions de terrain conduites sur un large éventail d’écosystèmes présentant des caractéristiques contrastées : aquatique versus terrestre ; surface versus souterrain ; profondeur versus altitude ; marin versus continental ; ouvert versus fragmenté.
Les écosystèmes étudiés ont été sélectionnés grâce aux données préliminaires obtenues durant l’expédition franco-indonésienne Lengguru-2010.
Au-delà d’un inventaire des communautés animales et végétales, basé notamment sur des techniques de barcode moléculaire ou de ]taxonomie traditionnelle, les biologistes pourront déduire les relations phylogénétiques des espèces collectées à Lengguru avec celles originaires des régions périphériques.
Une démarche fédérative
La confrontation des approches moléculaires, morphologiques, écologiques, géologiques et paléontologiques permettra de proposer des scénarios évolutifs pour tous les groupes étudiés. Cette approche intégrée permettra notamment de tester les capacités des réseaux karstiques de Papouasie occidentale comme « réservoir de lignées anciennes », « centres d’endémisme » ou « berceau de biodiversité ».
L’extension des recherches en archéologie et en anthropologie permettra de situer le rôle du massif de Lengguru lors des diverses migrations humaines entre l’Asie et l’Australie depuis la fin du Pléistocène (2,6 MA – 12 000 ans). Ces recherches permettront également de préciser les interactions entre ces sociétés et les communautés animales et végétales qui leur étaient contemporaines, pour mieux comprendre leurs évolutions respectives.
Un partenariat scientifique intégré
Le programme ambitionne de développer un partenariat durable et responsable entre les institutions fondatrices françaises et indonésiennes.
Ce partenariat s’articule en particulier sur la volonté forte de développer autant que possible l’analyse des échantillons biologiques dans les laboratoires de zoologie et de botanique du LIPI à Cibinong, près de Jakarta en Indonésie. Ainsi, le barcoding moléculaire sera réalisé au sein de la plateforme expérimentale commune à l’IRD et au LIPI, une structure dédiée à ce type d’analyses également implantée à Cibinong.
Seules des analyses ne pouvant être effectuées que dans des laboratoires à l’étranger justifieront la sortie du territoire de matériel génétique, sous forme d’extraction d’ADN.