Lundi 1er novembre
Le lundi, c’est férié !
Par Olga Pas facile de recruter pour le blog. Heureusement le toubib est toujours à son poste. Ca tombe bien il y a une ribambelle de bestioles et champignons qui nous attaquent (plus c’est petit, plus c’est méchant). Il fini de soigner les traces laissées par une sangsue (7 cm, beurk, un vrai monstre), puis va vous expliquer comment il panse les agressions que nous subissons (très marrant la crème blanche collante qui fait de vraies chaussettes aux collègues qui ont trop trainé dans les sous bois), et vous donner ses conseils pour la prévention, quand elle est possible. En revanche, pas moyen de coller Jacques au clavier pour qu’il raconte la cérémonie qui s’est déroulé à Urisa, en prélude à nos travaux dans la vallée du Sewiki. J’ai donc retranscrit de mes blanches mains le récit qu’il en a fait, en y ajoutant les compléments de Jean (décidément sur tous les fronts ce soir). Sinon que dire de cette journée, en quelques mots. En plus des grottologues, du monde était pour la cérémonie dans la vallée : Amos, Napoléon, Laurent, Bernard et Marc, les indispensables guides dont Lukas et deux accompagnateurs d’Urisa, ainsi que Jacques et Jean qui sont redescendus en fin d’après midi profitant de la pirogue d’un second groupe. Dans celui-ci, Erlin, l’archéologue, et Conni, la biologiste, se sont jointes aux paléo/sédimento (Ungul, Rubi et moi) dans leur exploration du haut de la passe entre le sud et le nord de la baie d’Arguni (Village de Seraran et ile de Warum). Nous avons pu travailler plus de cinq heures sur de beaux affleurements. Et puis l’envie d’assister à la cérémonie a été la plus forte (nous la croyions programmée à 16h), nous nous sommes dirigé vers la Sewiki : tout était fini. Nous avons pu voir l’installation du camp et récupérer Jean et Jacques. Le troisième groupe constitué de Gilles, Sopian, Amir, Gigih et Domenico a continué l’exploration des rivières dans la partie sur de la baie d’Arguni. Il est temps de reposer les yeux, et de vite débuter la journée de demain
Par Olga Otero, sur le pont arrière du Airaha 2 d’où l’on entend le souffle d’une baleine invisible.
Nb : pas de photo ce soir, mais vous aurez double dose demain avec les photo de la cérémonie livrées en décalage (on vous passe les photo des nos blessures de guerre !).
Combat contre les bêbêtes
Par Jean Chevallard Nous voilà ancrés dans la baie d’Arguni à quelques encablures de la passe menant au lac Sewiki. Notre bâtiment n’a pu se lancer dans le franchissement des remous et tourbillons de ce goulet colossal. La pluie fait quelques apparitions sous un tonnerre lointain, le vent se fait léger et bienfaiteur. Les discussions sont centrées autour des découvertes du matin et l’inquiétude transpire dans les tractations avec les autorités locales. L’excitation est communicatrice, mais patience est affaire de chacun. Elle grandit néanmoins à la mesure des espérances alors que nous sommes tous réunis dans notre salle de poupe polyvalente: Salle à manger, salle opérations, bloc opératoire, lounge, dortoir, ou encore cafétéria n’en sont que les principales fonctions. Dans ce brainstorming scientifique, mes pensées vont pour notre bonne étoile. Pas de malades ni de blessés et aucune vraie mauvaise rencontre. Rien de bien sérieux en fait, hormis deux morsures et quelques piqûres d’arthropodes. Le bestiaire est imposant et les risques potentiels de la faune et la flore locales sont bien réels. Difficile d’être exhaustif mais tout se qui mord, tranche, pique, brule ou simplement irrite est concentré dans cette petite région australe. Parmi les zoonoses, à tout seigneur tout honneur : le moustique (sans distinguo d’espèce), vecteur du paludisme, de filarioses (vers), de dengue, de fièvre de Ross, de méningo-encéphalites et autres syndromes ictéro-hémorragiques. Nous avons tous été victimes de leur repas mais indemnes à ce jour de leurs sinistres legs. Pas de singes dans les forêts de Papouasie occidentale. Les chauves-souris même arboricoles se mettent en rage pour nous la transmettre. Notre spécialiste indonésien en la matière a pu tester les effets de leurs petites quenottes. L’animal ne semblait guère apprécier sa nouvelle demeure. Les conséquences se sont résumées en une petite lésion digitale et le risque rabique jugulé par une vaccination opportune. Les mollusques foisonnent dans les petites rivières et sont toujours sources de maladies.
Indépendamment d’être des vecteurs de maladie, d’autres espèces sont dangereuses par leur toxicité ou leur agressivité sous-jacente. Requins et crocodiles abondent dans le coin. Serpents, araignées, iules, scolopendre et grenouille sont légions, mais aucun scorpion n’est recensé à ce jour. Un petit rongeur que l’on tenait pour animal de compagnie peut se révéler moins conciliant. C’est ainsi qu’à cinq, dans une grotte, à faire la chasse à ce charmant « mogwai » pour lui tirer le portrait, Laurent a fait connaissance avec ses incisives, fort surprenantes au demeurant. Au final et après photo, ce fut petite lésion du doigt contre dignité vexée de cette petite peluche qui resta là, un moment devant nous, comme pour nous signifier son mécontentement.
Les plantes ne sont pas en reste. Il est étonnant de voir le génie urticant ou piquant de ces végétaux. Il semble que tout en matière de crochets, de piques ou de pointes soit représenté. Les effets sont variés, allant de l’urticaire à de véritables lésions plus profondes. Un de nos icthyologues s’est véritablement vu happé, comme suspendu par des branchages, lors d’un passage en Zodiac. Les blessures ne furent, fort heureusement, que frais vestimentaires.
Les hyménoptères (guêpes…) sont sensiblement aussi virulents que sous nos climats. Une de ces espèces, cousine orangée des nôtres est particulièrement crainte des papous. Nous avons du les enfumer avec prudence et perspicacité afin d’installer le camp de Sewiki. La sangsue a fait son entrée. Morsure indolore et petite lésion à l’emporte pièce sont peu de chose face au sentiment qu’elle suscite. Nos collègues indonésiens sectionnent leur corps en deux parties afin de s’en séparer. Point de sel ou de l’extrémité d’une cigarette allumée. La puce chique nous fait défaut mais une sorte de « pou d’agouti » (variété de rongeur sauvage très mal odorant) apprécie notre compagnie. Beaucoup d’entre nous ont fait les frais du passage à proximité des bauges de ces mammifères. Les lésions ressemblent à des piqûres de moustiques en plus rouge et plus indurées. Elles prédominent autour des chevilles et des jambes mais plus épars autour des cuisses. Ces élevures se regroupent en une multitude de petits points très prurigineux. La démangeaison est insupportable la nuit. L’évolution sans traitement va decrescendo en une semaine.
Il est tard, les nuages se sont envolés pour un instant et le vent est tombé. L’humidité se fait sentir alors que le bateau sommeil déjà. La nuit promet d’être collante. Les explorations repartiront demain. Quid des espèces inconnues ? Un super prédateur ?
A chaque jour suffit sa peine.
Jean Chevallard
Une bien belle cérémonie…
Par Jean, Jacques (tapée par Olga…)
Ce midi, a enfin eu lieu la cérémonie au village de Urisa. Pour la première fois une équipe de recherche vient explorer la vallée de Sewiki. Les villageois devaient répondre à cette nouveauté pour qu’elle ne dérange pas l’ordre existant. Pour cela une cérémonie a été organisée. Annoncée à notre arrivée, elle s’est déroulée ce midi. Mise à part l’attente, ce sont les préparatifs qui ont été les plus longs tandis que la cérémonie elle-même a été relativement brève. Tout d’abord, vers 11h une pirogue a été préparée au village avec tout le matériel de cuisine (casseroles, ingrédients…), afin de s’installer dans un site défriché pour l’occasion au plus près de notre zone d’exploration possible. La zone a été préparée à la machette par de jeunes hommes du village, et deux foyers ont été allumés afin de mettre à cuire le sagu et les tarots et de réchauffer le ragout de kangourou. Pendant ce temps le plus vieil homme du village, le chef traditionnel, a mis sa tenue de cérémonie. Une natte a été dressée sur place avec les palmes abattues et des écorces d’arbres ont été découpées en guise de plats. Des feuilles de palmes dédoublées et coupées à la dimension de papier à rouler, puis séchées au feu, ont servi à rouler des cigarettes de tabac, qui pont été placées dans une assiette d’écorce. Tout étant prêt pour le repas, la nourriture a été disposée dans les grands plats d’écorce. Puis, solennellement, chacun a été convié à s’assoir autour de la natte afin que nous soyons ensembles, unis, réunis. Il était 2 heures de l’après-midi. Le chef traditionnel s’est levé, est allé vers la rivière, et a fait ses incantations en langue locale (donc incompréhensible pour nous). Néanmoins la scène était très émouvante et l’émotion de chacun était palpable. Une fois qu’il s’est arrêté, un prêtre ou diacre ou pasteur (difficile à déterminer), s’est levé d’entre les gens et a récité une prière en indonésien. Ensuite, nous avons été invités à manger. Le fait de manger, de tout faire ensemble était le plus important: il fallait partager. Nous avons donc mangé dans les plats communs, avec les doigts. Nous avons aussi tous bu dans le même verre. Puis, nous avons fumé les cigarettes, la encore ensemble. Même les non fumeurs ont du s’y mettre ! On nous avait clairement expliqué que ce geste était important et qu’il fallait absolument que chacun tire au moins deux ou trois bouifs (bouffées), pour partager la fumée aussi. Ensuite, le chef traditionnel a rassemblé les membres du village et après quelques minutes de palabres, il nous a annoncé que nous pouvions développer nos travaux dans la vallée.
Étonnamment en 5 minutes, tout était plié dans la barque et les villageois sont partis en nous souhaitant des recherches fructueuses. Nous sommes partis à notre tour, nous enfonçant encore un peu plus dans la vallée, jusqu’au site où nous avons choisi d’établir notre camp. Après 3 jours dans la baie d’Arguni, les recherches dans la vallée du Sewiki peuvent enfin débuter. Les esprits de la vallée et de ses habitants sont apaisés et les nôtres aiguisés par l’attente. Cette zone inconnue des scientifiques va être explorée.
Par Jean, Jacques (tapée par Olga…)
Supers écrits, on a l’impression d’y être. Les péripéties que vous rencontrez sont vraiment intéressantes, en espérant que tout se passe pour le mieux dans la suite de vos expéditions aventureuses ! Pleins de bisous à Jean (ou Papa), et continuez de nous faire rêver.
On attend la nouvelle à la page. 😉
J’imagine que la température doit être bien différente chez vous. Ici, le froid s’est bien installé et la nuit aussi (on a changé d’heure hier soir).
Je pense que vous en prenez plein les yeux et le cerveau dans cette aventure alors profitez en bien.
Le médecin de bord n’a pas donné de nouvelles de sa couture… Tout va bien de ce côté? Pas de mauvaise évolution dans ce pays humide et chaud?
Je vous espère en excellente forme. Gardez le moral.
Bises
Julie Chevallard
Alors là, Jean, chpeau ! Faire tenir tous le certf. de patho-trop. sur 1 page !
Et le mettre en pratique 24h / 24.
Bon courage parce que tu crains pas le chomage la-bas.
N’oublie pas de prendre bien soins de toi aussi …
D’Jack
C’est mon premier commentaire, mais je vous suis depuis le début. Quel plaisir de vous lire jour après jour, on a l’impression d’être un peu avec vous !
J’ai adoré la cérémonie, bravo Olga pour la retranscription ; ceux qui l’ont vécu en direct devaient encore être sous l’influence de fumées bizarres, qui ne leur a pas permi d’écrire eux même ?
quand aux bébètes : bien dégueu, on s’y croirait, sauf le Mogwai bien sûr.
Bravo à tous pour vos écrits
France
Bon papa ne t’inquiète pas… on fera comme si tu n’avais pas fumé hein : )
Laurent, va falloir bronzer un peu pour te fondre dans la forêt…
Plus que 15 jours… profitez-en bien !
Bises à tous
(Gros bisous papa)
Clem
Coucou à Corto Maltess alias Jean. Je viens de voyager en lisant et en regardant les photos, et ça fait du bien au milieu de cette grisaille française. Profites en bien et profitez en bien! Photographie chaque instant avec tes yeux.
Besitos de toda la familia…et de Bordeaux!
Rien à redire, c’est exceptionnel de pouvoir partager ces extraordinaires moments avec vous!
Merci la technologie.
Ce blog apparait principalement utilisé par la famille et les connaissances directes des équipes de terrain. Pourtant, je suis certain de ne pas être le seul « inconnu » à suivre vos péripéties et lire très régulièrement les récits de cette aventure tant humaine que scientifique.
Bonne continuation, accrochez vous et merci pour les courageuses et courageux qui font vivre ce blog.
Denis