Dans le port de Kaimana

Par J.M. Bichain et l’aimable participation de Bernard Pouyaud


Dimanche 10 octobre, 13h20, nous sommes arrivés dans la baie de Kaimana. Cette petite ville campée le long de la baie en une frange étroite et bordée en arrière plan par des reliefs couverts d’une forêt dense d’où s’échappent des nappes de brume.

L’Airaha est ancré à environ 500 mètres du port et nous sommes en attente de nouvelles de Jacques concernant les autorisations, et le prix, pour accoster. Ce dernier nous informe par contact téléphonique que le médecin et le reste de l’équipe sont bien arrivés et que Kadar –le coordinateur indonésien de l’expédition- arrivera seulement demain. Il est donc probable que notre attente durera au moins 24 heures avant le départ sur la première zone d’étude.

Notre arrivée aussi tôt dans la journée est inespérée, nous avons essuyé en effet un temps exécrable toute la matinée avec en mer d’Aru, à proximité des côtes de Kumawa, un vent Nord, Nord-Ouest, de force 5 à 7 et une mer agitée à forte.

Vocabulaire emprunté à la météo marine, mais en bon continental, j’appréhende concrètement l’état de la mer en me tenant fermement aux mains courantes ou dans le confort du poste de pilotage où l’équipage décontracté sourit aux vagues qui se déversent sur le pont. Le reste de l’équipe est réfugié sur le pont arrière à l’abri des embruns et de l’écume soulevée par l’étrave du navire. Les embardées de l’Airaha ne permettent pas vraiment d’activité à bord, même la lecture devient désagréable. En revanche Guilhem tente une série de photographies depuis le pont supérieur. Il en revient hilare, trempé jusqu’aux os et un cliché des plus explicites sur les conditions de la navigation en cours.

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Profitons de notre arrêt pour une petite visite à l’aide des quelques images réalisées à partir des plans trouvés à bord.

Commençons par le pont inférieur, zone centrale et spacieuse, auquel on accède depuis terre par tribord.

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Sur ce pont est actuellement stocké le plus gros de notre matériel. Différentes écoutilles communiquent avec les cales et la chambre froide situées sous ce pont. Des escaliers, à bâbord, permettent de monter sur le pont supérieur de proue, à l’avant du bateau, et deux autres permettent d’accéder aux deux coursives bâbord et tribord du pont moyen situé vers l’arrière du navire, vers la poupe donc.

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Tout de suite en haut des escaliers ont accède à la passerelle ou cabine de pilotage avec évidemment la barre et tout l’appareillage moderne de navigation dont un écran qui indique la trajectoire réelle et théorique de l’Airaha ainsi que le radar météo et de bathymétrie.

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Depuis la passerelle, on accède directement, à tribord à la cabine du capitaine avec son plan de travail encombré de cartes et à bâbord à une autre cabine pour deux personnes. Cette cabine est actuellement occupée par la gent féminine de l’expédition.

Depuis la coursive bâbord, nous passons devant la douche puis les toilettes pour atteindre enfin le pont arrière.

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Bruno Fromento sur le pont arrière

Celui-ci est la partie du bateau la plus fréquentée du moment, zone abritée et ouverte vers l’arrière permettant aux pêcheurs d’y laisser traîner leurs appâts.

Du pont arrière, il est possible de revenir vers la proue par la coursive tribord à partir de laquelle nous pouvons descendre via un escalier plutôt raide vers la carrée, pièce centrale à partir de laquelle on accède à la cuisine à tribord, à la salle des machines et vers les cabines tribord de 6 places et bâbord de 10 places. Les cabines ont l’aspect d’un couloir étroit avec de part et d’autre une série de couchettes sur deux étages. Les couchettes du haut ont le privilège d’un hublot. Au fond, un espace élargi avec des casiers.

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Pendant que vous m’accompagnez dans cette visite, la pluie a cessé de tomber et diverses activités reprennent à bord. Vous rencontrerez sur le pont arrière, l’équipe CENOTE, constituée de spéléo-karstologues, qui trie le matériel d’exploration et aiguise les machettes provoquant un son aigu provoqué par les va-et-vient des pierres à eau le long des lames. Sur le pont inférieur, une bonne partie de l’équipe aide au montage du zodiac. Ce dernier est bientôt amarré bord à bord avec l’Airaha. Déjà le moteur ronronne et le zodiac prend le large pour un tour d’essai.

Enfin Jacques, qui a emprunté une pirogue, vient nous rejoindre à bord. Il est accompagné par Jean Chevallard, le médecin de l’expédition, Jean-Christophe Avarre de l’IRD et Agos, un collègue indonésien spécialiste de la reproduction des poissons. Jean arrive directement de France après deux jours non interrompus de voyage. Les traits tirés, il prend lentement ses marques. Ce soir, il dormira dans un l’hôtel à Kaimana afin de reprendre rapidement le rythme local. Ancien médecin militaire ayant officié en Guyane, sa présence est plutôt réconfortante après les longs récits d’Amos, le guide Papou qui nous accompagnera durant toute l’expédition.

Amos mérite un petit détour dans notre récit. Gaillard de 33 ans de taille moyenne, plutôt grand pour un Papou et doté d’une musculature franchement impressionnante.

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Son unique équipement est constitué d’un simple tee-shirt, d’un short et d’un briquet – dont la description vous sera faite plus tard- made in Papua. Il trouvera sa machette à Kaimana et le reste sur le terrain.

Laurent a fait sa connaissance en 2007 lors de sa première expédition dans les monts Arfak au Nord-est de la Tête-de-l’Oiseau. A quelques heures de partir sur le terrain avec un guide attribué par les autorités locales, Amos se présente. Ce mystérieux Papou, pieds nus et en short, adresse quelques mots en indonésien au guide officiel. Laurent qui comprend parfaitement l’indonésien suit toute la conversation. Amos – ‘Sais-tu dans quelle histoire tu t’embarques ? Cette zone est dangereuse et les hommes blancs sont des fous !’ Le guide – ‘argh !’.

Conséquence immédiate de cet imparable travail de sape, le guide susnommé présente sa démission et Amos d’annoncer triomphalement à Laurent qu’il est dorénavant son nouveau guide. Laurent, amusé, accepte l’offre. L’histoire racontera, qu’ils partirent deux heures plus tard et qu’Amos n’avait pas besoin d’équipement supplémentaire pour chasser, se soigner et camper et que les offrandes des lieux étaient largement suffisants pour ce faire.

Petit détail, son humour. En effet, nous avons longuement conversé hier au soir notamment à propos de ses grands parents qui dans les années 1940 pratiquaient encore le cannibalisme.

Détail de gourmet, ils appréciaient particulièrement l’intérieur des cuisses et évitaient les avant-jambes, dures et amères ! Sa scolarité a été classique, pour un papou, avec des trajets de plus de 50 kms à travers la forêt pour se rendre à l’école.

Pendant son récit, j’ai dû exprimer –malgré moi- quelque surprise, qu’il ne manqua pas de remarquer. Son humour, j’y viens. Depuis cette conversation, lorsque nous nous rencontrons sur le bateau, d’un large sourire et d’un geste significatif (en gros, sa main mimant une machette découpant ma cuisse), il m’indique que je ferais probablement un mets de choix ! Depuis, je l’évite soigneusement, trouvant le navire trop petit pour ce faire. Il semble heureux de passer du temps avec moi dans la forêt

Quel jour sommes-nous ? Le jour des festivités bien-sûr !

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