Les choses sérieuses commencent

Par Jean-Michel Bichain et Olga Otero JM_olga_bernard.jpg, oct. 2010

Mercredi 13 octobre, 21:51,  à bord de l’Airaha qui mouille paisiblement à quelques encablures du village de Lobo. Cette journée tranche drastiquement avec la semaine écoulée. Enfin le premier contact avec le terrain dont la reconnaissance sur la rivière de Lengguru. Petit rappel sur cet objectif. La Lengguru traverse une partie du massif du même nom, globalement du Nord vers le Sud. Sur les cartes satellites, la rivière semble se perdre à plusieurs reprises sous terre pour ré-émerger plus loin. L’idée était donc de remonter cette rivière au moins jusqu’à la première perte. Pour ce faire, une petite équipe de cinq personnes accompagnée de plusieurs guides locaux embarque sur un zodiac et cap sur la Lengguru. Laurent, Guilhem, Bruno, Hubert et moi-même ainsi qu’Amos himself et deux guides partîmes vers 10h00 pour cette petite aventure.

Nous remontons en zodiac près de cinq kilomètres de rivière large de 50 à 70 mètres par endroit et bordée par une végétation des plus denses. Le courant s’accélère significativement nous obligeant à accoster. La suite du périple se fera in pedibus. Nous suivons une piste qui semble bien fréquentée et en effet nous rencontrons rapidement des locaux. A priori, à 4 km en amont, il est possible de trouver des long-boats (longues pirogues souvent à deux moteurs) pour réembarquer et ainsi continuer à remonter la Lengguru. En effet, durant ces quatre kilomètres, la Lengurru devient sauvage et indomptable. Elle franchit plusieurs ressauts de 3 à 4 mètres de dénivelé. Cela ne paraît pas grand-chose sur le papier mais pour une rivière qui brasse sur plus d’une centaine de kilomètres à travers un immense bassin versant, le moindre ressaut provoque des remous impressionnants. Les eaux deviennent tumultueuses soulevant des vagues d’au moins trois à quatre mètres de hauteur. Autant dire que le canotage est inenvisageable. 1_lengguru.JPG, oct. 2010 Prudents donc, nous suivons le chemin des écoliers à travers la forêt. Chemin boueux et glissants à souhait. Nous avançons bon train dans cette chaleur humide et atteignons enfin la rumah dua. En clair, la maison numéro 2, un abri bus à la mode Papou. Cette maison consiste en un plancher suspendu et abrité d’un toit. Il s’agit simplement d’un lieu d’attente pour les papous qui regagnent leur village en amont sur la Lengguru. Temps d’attente, une à trois journées avant qu’une pirogue ne descende les chercher. La maison n°3 est à 20 km en amont et nous ignorons où se situe la n°4. Nous savons juste que nous sommes à plus de 80 km de notre objectif. Les informations que nous glanons indiquent, qu’en l’état, cet objectif n’est pas réalisable dans le temps de cette expédition. Dommage.

Retour à l’Airaha vers 16:00. Le temps de prendre un café, je repars avec deux collègues indonésiens Gyanto, entomologiste au LIPI et Sigit, chiroptérologue (Mister Batman pour les intimes) réaliser des échantillonnages de faune dans la zone forestière qui borde le village de Lobo. Nos premiers insectes et chauve-souris de la mission.

Avec ces deux compères, nous avons le projet d’atteindre le sommet du Muna-Siri à 1300 mètre d’altitude. L’idée est de réaliser un transect altitudinal depuis le niveau de la mer jusqu’au sommet. Trois jours de grimpe dans cette forêt accrochée à des parois vertigineuses. 2_muna_siri.JPG, oct. 2010 Départ demain dans la matinée. Je serai donc absent de ce blog dans les prochains jours. A très bientôt donc et Olga prends le relais.

Le village de Lobo,  Cette après-midi, un groupe de biologistes et de paléontologues a entrepris d’explorer les cours d’eau qui dévalent de la falaise au dessus du village de Lobo à droite de l’embouchure de la Lengguru et au pied d’un superbe relief à pic de près de 1300m d’altitude.

Enfin sur le terrain, quel bonheur !

En fait, ce qui s’est transformé en une remontée de cours d’eau à sec depuis l’arrière du village a été précédé de notre traversée, en long (et pas en large) du village de Lobo. Ce village s’étend le long de la plage, au pied de la montagne, sur la fine bande côtière de terrain en pente faible. Un chemin est bordé de jolies barrières basses en bois peint en blanc. Derrières, des maisons, certaines sur pilotis (les plus proches de la mer), et des jardins fleuris et potagés : manioc, aubergines, patates douces, haricots, mais aussi papayers, manguiers, orangers (oranges à peau épaisses)… Pour les fleurs d’ornement, l’identification est plus difficile une fois passés les bougainvilliers et les hibiscus : des fleurs de type « gueules de loup », d’autres comme des impatiences, de possibles euphorbes aux feuilles tâchées de rouge… 3_lobo.jpg, oct. 2010 Dans certains jardins, un gazon bien entretenu, une école et, de-ci de-là, en bord de plage et dans des jardins, de robustes tables en bois abritées sous des petits chapiteaux ou enserrant le tronc d’un arbre. Un village charmant, joli, engageant. Mais ce qui est le plus attachant, c’est la gentillesse des habitants. Des regards intrigués, soit, mais des sourires, des bonjours. Des enfants adorables, qui jouent au foot, vous guettent depuis des arbres, et s’amusent de cette bande bizarre qui débarque de ce gros bateau blanc pour remonter une rivière sèche. On serait bien resté un peu plus longtemps… mais après avoir tant attendu pour enfin découvrir ce massif de la Lengguru, on a quitté le village.

Olga Otero,

Du fond de la baie des Tritons, en face du village de Lobo

3 réflexions au sujet de « Les choses sérieuses commencent »

  1. Je ne me doutais pas que vous alliez trouver une architecture de ce type sur l’île … On s’attendrais à quelque chose d’un plus … sauvage, non ?

    Super article encore, dommage pour la remontée de la rivière, cela ferra un prétexte parmi tant d’autres pour revenir !

    Radio Papou
    Romain

  2. C’est passionnant. Et surtout j’imaginais que toute la mise en place demanderait beaucoup de temps mort.
    La préparation a dû être béton !

  3. Bonsoir,

    dans mon enfance j’ai toujours été bercé par des histoires de scientifiques partant au bout du monde et revenant avec des histoires à n’en plus finir, des découvertes et une passion: partager tout ce qu’ils avaient appris …

    « ça existe encore !!! » ça fait trois jours que je me dis ça en lisant votre blog; je vous remercie et vous accompagne jour par jour dans votre périple … pour moi c’est au calme, peinard derrière mon clavier, loin des conditions que vous affrontez mais il faut de tout pour faire un monde.

    Amicalement,
    Éric

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