12 novembre 2010
La faim du terrain justifie les moyens
Par Olga Otero Cette fois c’est bien les derniers pas de l’équipe dans le massif de la Lengguru.
Demain matin nous serons à Kaimana après une traversée de nuit le long du massif de la Lengguru. Ce massif, nous en avons parcouru la bordure en tous sens, effleurant les solutions à nos questions et en en posant de nouvelles, nous heurtant à ses flancs déchiquetés de karst toujours actif à chaque fois que nous voulions pénétrer ses massifs. Notre soif de le comprendre, de l’explorer n’est certes pas étanchée, plutôt aiguisée.
Mais il va nous falloir du temps pour digérer l’ensemble de données collectées, les traiter, les analyser… Quoi qu’il en soit les bribes des projets futurs sont en gestation. Pour la prochaine expédition nous aurons en plus l’expérience de ce terrain. Combinée à la précision des questions et des objectifs à cibler pour y répondre grâce à nos résultats préliminaires, c’est un atout incomparable pour être encore plus performant la prochaine fois. Mais s’il faut toujours penser à s’améliorer et imaginer l’avenir, il ne faut pas pour autant négliger d’estimer à sa juste valeur le chemin parcouru pendant cette mission qui s’achève. S’il est trop tôt pour tirer un bilan précis, nous savons déjà qu’il est franchement positif. Positif en termes de publications scientifiques (unité de mesure usitée dans les milieux scientifiques). Positif en termes de politique de coopération. C’est un très beau résultat que de voir que les travaux initiés associent des collègues de différentes spécialités (du vrai trans-disciplinaire !) et impliquent des institutions diverses aussi bien du côté indonésien que du côté français. Ce point est capital car il induit des dynamiques de recherche qui dépasseront le cadre de la recherche sur ce projet commun à l’intérieur de chaque pays et évidemment entre ces zones antipodes. Enfin, chacun a poursuivit son chemin de scientifique. Et beaucoup d’entre nous ont aussi vécu une expérience personnelle forte, parfois ressentie très différemment par les uns ou les autres. A ce titre ne loupez pas le récit ‘A la recherche de crocodiles dans la baie d’Avona’, mais avant ça, suivez Bruno dans la dernière des grottes visitées…
Mardi soir nous serons à Sorong et la vie reprendra rapidement son cours normal… ET CE SERA LA FIN DU BLOG, d’ici là, bonne lecture… et histoire d’incarner un peu plus ce blog, voici le trombinoscope de l’équipe, de celle du début (s’y ajoute les collègues arrivés à la rotation et pour lesquels vous avez eu le mini trombi). En fait nous souhaitions le mettre en ligne au début de l’aventure, mais il y a eu bug ! Vieux motard…
Olga, assise sur le pont arrière du bateau qui tangue, voguant bon train vers Kaimana.
Nb : pour illustrer le récit « croco » je n’ai pu récupérer que cette photo «exploitable» d’un petit spécimen pris à aune occasion. Il ne s’agit évidemment pas du croco de 2m vu hier soir… mais j’en dis déjà trop !
Une nouvelle rivière souterraine !
Récit de Bruno Fromento Il ne nous reste que très peu de temps pour terminer nos explorations géographiques. C’est donc dans la baie de Kajumerah que nous jetons l’ancre. Les ichtyologues nous ont donné des informations sur une cavité qu’ils ont découverte lors de leurs recherches dans une rivière. Nous débarquons au petit matin sur une plage idyllique, face au cours d’eau. Nos sacs sur le dos, nous marchons dans une forêt clairsemée tout en longeant la rive. Nous passons un col et entendons le bruit de l’eau derrière nous. Quelques mètres plus loin nous découvrons la rivière qui émerge au travers de blocs calcaires lessivés par la pluie et les crues. Nous enfilons nos combinaisons, nous ajustons nos harnais, puis par un passage bas nous pénétrons dans la grotte. Une rivière circule dans une galerie de petite dimension avant de rejoindre le cours principal. Le débit est important mais pas suffisant pour nous arrêter dans notre progression. Nous sommes enthousiasmés par la beauté de la galerie d’autant plus que la rivière cascade dans un bruit assourdissant.
Nous poursuivons à la nage et à contre courant sur quelques dizaines de mètres pour venir buter sur un siphon. Je retire mon casque et par un passage étroit, quasi noyé, je m’insinue dans ce boyau pour m’apercevoir que ce n’est qu’une boucle qui redonne dans le réseau principal. Laurent met son masque et regarde sous la surface de l’eau. La galerie est noyée sur quelques mètres. Je regarde à mon tour mais sans fil d’Ariane il n’est pas question de continuer sous l’eau. Hubert et Guilhem lève la topographie de la cavité, en notant toutes les observations sur le carnet. Avec Laurent, je pars explorer une grotte à proximité de la précédente. Nous marchons dans une belle galerie qui vient buter sur un siphon. Nous l’évitons par un passage supérieur qui redonne dans une rivière, la même semble t’il Je remonte le cours d’eau en nageant puis j’évite une cascade et je m’arrête sur un nouveau siphon. Notre exploration se termine en fin d’après midi, après avoir amassé des données intéressantes sur ce secteur prometteur.
Maintenant nous allons plonger dans les eaux claires et chaudes de la baie au contact du corail et des poissons exotiques !
A la recherche de crocodiles dans la baie d’Avona
Par Bruno Fromento
Départ de nuit précipité, c’est la dernière occasion pour suivre Laurent dans ses prospections sur les crocodiles. Le temps est clément, le ciel est étoilé, la mer étale, la plupart des membres de l’équipe sont déjà endormis. Fatigués de leurs diverses explorations, bon nombre d’entre eux ont plus d’un mois de terrain dans les pattes et les heures de repos sont de plus en plus sacrées. Hubert, avant de se glisser dans l’indolence de son hamac, a un sursaut d’énergie et après une petite hésitation (le repos du brave est à portée de main) se propose de nous accompagner. C’est rassurant pour moi, s’il arrivait quoi que ce soit à Laurent dans la mangrove au milieu des crocodiles, je serai bien incapable de conduire le zodiac pour le ramener ou aller chercher du secours. Nous nous équipons de bidons d’essence, de cape de pluie, de quelques bouteilles d’eau et de barres chocolatées, sur les conseils avisés d’Hubert. Il ne part jamais sur le terrain sans quelques réserves nutritives et énergétiques, c’est un principe de base chez lui. On ne sait jamais ce qui peut arriver. Il vaut mieux être prévoyant.
Quelques minutes plus tard, nous fonçons à vive allure dans la nuit noire sur les flots irisés de plancton fluorescents en quête des derniers crocodiles sur lesquels Laurent veut faire des prélèvements. Arrivés à l’embouchure d’une large rivière, la mangrove offre son labyrinthe de végétation dont les ombres dansent exagérément sous l’influence de nos faisceaux lumineux. L’ambiance est à la fois magique et un peu effrayante. Le vacarme des bruits nocturnes bat son plein. Tout à coup, Laurent nous demande d’éteindre nos lampes frontales et ralentit brusquement la vitesse du moteur. Au loin un point brille dans les méandres de la nuit. Un œil nous guette, d’une immobilité glaçante. Le face à face commence entre Laurent et le crocodile d’Avona. Le chercheur reconnait tout de suite qu’il s’agit d’un mâle et qu’il est de bonne taille. Pour autant, l’œil vient de disparaitre sous l’eau. Nous voici à la recherche de la bête dans l’obscurité. Le moindre bruit est un indice, la moindre onde sur l’eau, le moindre point lumineux. Nous errons près d’une heure à le poursuivre. Il joue avec nous, apparait, disparait, nous nargue, passe sous le bateau, se cache sous des souches. Notre patience est à bout (en tout cas la mienne). Il est près d’une heure et de demie du matin et se dessine devant moi la perspective d’une nuit blanche, quand Laurent saute soudain du bateau et marche dans l’eau à mi taille trainant derrière lui le zodiac. Face à nous, dans un rayon de lumière flotte un crocodile d’environ 2 mètres. Large, majestueux, monstrueux et beau à la fois, il est difficile d’expliquer pourquoi. Dans l’objectif de mon viseur, j’ai en gros plan sa tête et son regard me fixe d’une manière étrange. Je suis parcourue d’un frisson. Laurent s’approche encore au point de pouvoir tendre le bras et toucher l’animal. Le crocodile donne alors un énorme coup de queue et disparait au milieu d’une gerbe d’eau, à une vitesse folle dans les profondeurs lacustres. Laurent ne bouge toujours pas. Il sourit. Je me retourne et Hubert à l’arrière du bateau mange tranquillement sa barre chocolatée.
Je ne dois pas vivre les choses tout à fait de la même manière. Somme toute, le sentiment d’aventure est très relatif.
Le reste de la nuit sera passé de manière tout à fait banale à chercher d’autres crocodiles de taille plus modeste, à les endormir en les hypnotisant grâce à un massage cardiaque approprié puis à leur prélever des écailles pour faire ultérieurement des analyses génétiques.
Franchement, rien de vraiment spécial…
Ha ha ha, << rien de vraiment spécial …>> ben c’est sûr et en plein ça !
C’est d’une banalité infinie de croiser des crocos, de les hypnotiser et collectionner leurs écailles comme si c’était des cartes de visite.
Ça devient d’une routine somnifère…
Même pas un pliosaure voir un Kronosaurus caché sous un nénuphar géant… c’est a vous dégoûter de passer une nuit blanche …
Go, go, go, Bruno, go !